Les productions Ghibli semblent avoir cette capacité à parler directement à nos émotions & à nos failles. J’ai toujours eu une certaine retenue à en visionner, et j’en comprends aujourd’hui les raisons.
C’est une fenêtre ouverte sur l’invisible : ce qu’on ressent, ce qu’on tait, ce qu’on porte, ce qu’on espère. Comme un écho émotionnel. Comme si le cœur reconnaissait le message avant même que l’esprit le comprenne.
Découverte du film d’animation
« Le Voyage de Chihiro »
Mots-clés : rite de passage, égarement, mémoire affective
Dès le premier quart d’heure, on plonge dans un univers étrange, qui fait émerger des sensations enfouies, illustrées par des non-dits puissants qui déstabilisent. On comprend vite que c’est un voyage initiatique qui débute avec de lourdes pertes et grand fracas.
Le parcours d’une enfant arrachée brutalement à ce qu’elle connaît et qui doit traverser une épreuve pour grandir, comprendre le monde autrement, et surtout, apprendre à ne pas perdre son identité. L’histoire d’une transformation intérieure lente, qui bouscule.
Les parents vont rapidement être soumis à leurs pulsions via un appétit démesuré et de ce fait subir une transformation sans appel. Chihiro, malgré la peur, l’abandon, la solitude et le sentiment d’impuissance, ne renonce jamais. Elle fait confiance à son cœur, traverse ses émotions, fait preuve de courage, mais sans forcer. Elle tient debout malgré l’incertitude, transcendant la douleur sans se perdre. Lorsqu’elle franchit le fameux tunnel, rien n’est plus comme avant, elle est projetée dans une réalité qu’elle n’a pas choisie.
Haku, allié précieux dans son aventure, la guide et la protège, mais lui-même est prisonnier d’une situation qu’il ne comprend pas totalement, en proie à ses propres failles, car il a oublié qui il est, soumis à son masque, à ses peurs et sa fuite. Perdu, il est attaché par une sorte de pacte – dont les contours s’effacent progressivement – à Yubaba, la sorcière régente qui prête ses traits à la figure de l’emprise psychologique abordée par le film.
Mais l’énergie et l’amour de Chihiro veillent au grain, car même si elle ne peut aider quelqu’un qui refuse de se souvenir de lui-même, elle peut devenir le phare dans la brume pour lui permettre de retrouver son chemin.
Se souvenir de qui l’on est permet de retrouver sa liberté, et l’amour sincère, celui qui respecte et qui ne force pas, joue un rôle fondamental dans ce cheminement, il libère lorsque la maturité émotionnelle et l’acceptation des épreuves comme passage initiatique sont incarnées.
Dans ce film d’animation, ce n’est pas une solution miracle qui œuvre pour le juste dénouement, c’est une traversée intérieure utilisant notamment l’image d’un train qui symbolise le passage vers la maturité et le lâcher prise. Un voyage qui prend du temps et vole quelques plumes au passage. Un conte qui met en lumière l’espoir discret, mais puissant.
Avril 2025